Quand le design devient stratégie : l’essor d’une profession créative…

Longtemps perçu comme un caprice esthétique, le design a conquis ses lettres de noblesse au sein des entreprises. Institutionnaliser cette discipline, c’est reconnaître que la sensibilité peut devenir un moteur stratégique puissant. Retour sur une ascension discrète, où l’intelligence sensible trouve enfin sa place dans l’arène rationnelle.

Le design : de « danseuse » à levier stratégique

Il fut un temps où faire appel à un designer relevait presque de la coquetterie pour les chefs d’entreprise français. Le design industriel, jugé accessoire, peinait à s’imposer dans l’univers rigoureux des stratégies économiques. Pourtant, à force de persévérance et de talent, le design a trouvé sa voix : celle d’une véritable source de différenciation et de créativité (Borja de Mozota, 2002).

Institutionnaliser une profession, c’est plus qu’un acte administratif : c’est l’inscrire dans la conscience collective, lui conférer légitimité, désirabilité et raison d’être (Scott, 2001 ; Suchman, 1995). Aujourd’hui, le recours à un designer est perçu comme un acte réfléchi et stratégique — mais cela n’a pas toujours été une évidence.

Le paradoxe est fascinant : comment formaliser une activité dont la raison d’être est d’échapper aux cadres, de bousculer l’ordre établi ? C’est là tout l’enjeu de l’institutionnalisation du design : elle a été rendue possible par l’action croisée des professionnels eux-mêmes, des pouvoirs publics, des associations et des mouvements culturels. Ensemble, ils ont élargi le champ des possibles et rendu la créativité désirable au cœur même des organisations.

Enfin, sur le plan stratégique, l’intégration du design dans l’entreprise a redessiné les frontières traditionnelles. La créativité, autrefois vue comme une ressource volatile, devient un actif précieux, à gérer, à protéger, à cultiver. Pour qu’elle irrigue toute l’organisation, il faut savoir l’accueillir, lui donner espace et respiration, sans jamais la figer.